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Karstadt fait un point important concernant la nécessité de tester plus adéquatement la cancérogénicité à long terme de lédulcorant artificiel acésulfame K. Les questions soulevées dans sa lettre mont incité à proposer quelques considérations supplémentaires.

Comme indiqué dans un article précédent (Soffritti et al. 1999), lun des problèmes les plus importants de la cancérogenèse environnementale et industrielle est de savoir comment gérer les risques cancérigènes diffus, auxquels la plupart des la population peut être exposée. Ces risques cancérigènes sont représentés par a) des agents légèrement cancérigènes à toute dose; b) doses faibles ou extrêmement faibles dun agent cancérigène de toute nature; ou c) des mélanges de petites doses dagents cancérigènes.

Les études épidémiologiques et expérimentales sont fondamentales pour lidentification et la quantification des risques cancérogènes diffus, mais elles doivent être conçues et menées pour être aussi puissantes que possible avec une méthodologie adéquate . Dans le cas des études expérimentales, il ne suffit pas de suivre le protocole standard utilisé dans les expériences ordinaires. Au lieu de cela, il est nécessaire de mener des études qui peuvent être définies comme des «méga-expériences», en utilisant un grand nombre danimaux (au moins 200-1 000 par groupe expérimental) afin dexprimer une différence marquée dans la variation des effets, et en exposant les animaux dans toutes les phases de développement pour permettre à lagent dexprimer tout son potentiel cancérogène.

Cest sur la base de cette logique que la Fondation européenne Ramazzini a réalisé une méga-expérience sur 1800 rats et a démontré que, dans notre conditions expérimentales, laspartame est un agent cancérigène multipotentiel (Soffritti et al. 2005; Soffritti et al. 2006).

Les résultats de notre étude (Soffritti et al. 2005, 2006) ont attiré lattention des scientifiques associations communautaires, de consommateurs et de l’industrie, ainsi que les agences nationales et internationales chargées de la sécurité alimentaire. Parmi divers commentaires, l’avis exprimé le 5 mai 2006 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA 2006) et l’interprétation générale d’un étude menée par le National Cancer Institute (NCI 2006) nécessite des commentaires de notre part.

En examinant les données brutes de notre étude, lEFSA (2006) a observé une incidence élevée dinflammation pulmonaire chronique chez les hommes et femelles dans les deux groupes traités et dans le groupe témoin. Sur la base de cette observation, il a été conclu que «l’incidence accrue de lymphomes / leucémies signalée chez les rats traités n’était pas liée à l’aspartame, étant donné l’incidence de fond élevée de changements inflammatoires chroniques dans les poumons. À mon avis, cette conclusion est bizarre pour les raisons suivantes:

Premièrement, lEFSA (2006) a négligé le fait que létude a été menée jusquà la mort naturelle des rongeurs. Il est bien connu que les pathologies infectieuses font partie du processus naturel de mort chez les rongeurs et les humains.

Deuxièmement, si laugmentation statistiquement significative de lincidence des lymphomes / leucémies observée était effectivement causée par une colonie infectée, on sattendrait à observer une incidence accrue de lymphomes / leucémies non seulement chez les femmes mais aussi chez les hommes. LEFSA (2006) na pas commenté cette divergence dans leur logique.

Enfin, à lappui de lhypothèse concernant la sécurité de laspartame, lEFSA ( 2006) ont cité les résultats négatifs des récentes études de cancérogénicité menées chez des souris transgéniques par le National Toxicology Program (NTP); lESFA na pas mentionné que, étant donné que les études NTP sur des souris génétiquement modifiées ont été réalisées à laide dun nouveau modèle expérimental, le sous-comité NTP Nous convenons à l’unanimité qu ’« il existe une incertitude quant à savoir si l’étude possédait une sensibilité suffisante pour détecter un effet cancérigène »(NTP 2005).

Fait intéressant, le même examen minutieux appliqué à notre étude n’a pas été appliqué à un résumé récent publié par Lim et coll. (2006) de lenquête par questionnaire sur le régime alimentaire du NCI (NCI 2006) dans laquelle la consommation daspartame autodéclarée na montré aucune augmentation de la leucémie / lymphome ou du cancer du cerveau. Ces résultats ont été utilisés par lindustrie, lEFSA et dautres pour soutenir que laspartame ne présente pas de risque pour lhomme, malgré les résultats de notre étude animale. Sans informations spécifiques sur le taux et la durée de consommation de chaque individu, il est difficile d’évaluer la puissance de l’enquête, malgré le grand nombre de participants. La deuxième question connexe est de savoir si laspartame est un cancérogène à un stade précoce ou avancé. Sil sagit dun initiateur précoce du cancer, on sattendrait à ce que le signalement de labsence deffets chez les personnes âgées qui nont pas consommé daspartame depuis la petite enfance montre peu ou pas daugmentation du cancer (Hoel 1985).

Linnocuité – en particulier la non-cancérogénicité – des édulcorants artificiels les plus répandus aujourdhui et de leurs mélanges repose en grande partie sur des études menées il y a des décennies.Je soutiens la nomination par Karstadt de l’acésulfame K pour un complément d’étude; cependant, jajoute quil devrait être évalué à laide dune méga-expérience à long terme.

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